Réflexion
en passant ....
..... De mon ami Jean Gauci
Les vignerons appellent « la part des anges »
les effluves d’alcool qui s’évaporent et montent
au ciel pendant le vieillissement du vin.
Le vieillissement de notre mémoire subit un
phénomène analogue mais ce qui s’en échappe
aurait plutôt de quoi réjouir les diables.
La méchante piquette de nos rapports épineux et
de nos relations pincées, les coups de gueules et
les prises de bec, les colères et les vacheries, tout
le vinaigre obligé d’une vie de service, d’atelier ou
de bureau, s’évapore avec le temps. En mûrissant
nos souvenirs perdent la « part du diable ». L’acide
de la rancœur ou de la rancune s’évapore pour ne
laisser que la part moelleuse et enjolivée d’une
histoire qui s’est allégée de ses pesanteurs et
bonifiée en ne gardant que le meilleur de la vie.
Les peurs, les angoisses, les humiliations parfois,
ne sont pas oubliées mais le temps les a rendues
vénielles, dérisoires parfois…Il arrive même qu’on
regrette le mot cruel lâché dans un coup de colère.
Nos plus intimes ennemis se sont quelquefois
convertis en de charmants convives et quand on
n’en rit pas, on feint d’avoir oublié nos difficultés
du passé.
On dirait que la mémoire même se fait complice
de nos traités de paix tacites et nous fait survoler
le cœur léger, le brûlis des conflits passés sans y
retrouver la trace de nos insomnies.
« Ah l’heureux temps de la vie active » nous arrive-
t-il de penser comme s’il n’avait été fait que de
béatitude ! » ; « Vivement la retraite » disions-
nous avant…
Comme nous nous trompions … comme nous
nous trompons.
Saurons nous un jour, prendre au collet le bonheur
quotidien sans le chercher dans les mirages d’un
passé recomposé ou les mirages d’un avenir
meilleur. Saurons-nous comprendre enfin qu’il y a
un temps pour tout : les humeurs pour pimenter la
vie active, l’humour pour mettre du baume sur nos
retraites .
....................................................................................... Jean Gauci -