Une journée "ordinaire"
En cette fin d'été, ce dimanche s'annonce calme et détendu. Encore plombé par un soleil brulant, il va marquer mon passage sur cette terre algérienne. Nous venons de terminer notre repas de midi à cette bonne vieille roulante,lorsque l'on nous informe que la section doit être prète à embarquer rapidement dans les camions. Des gendarmes nous attendent. Ils doivent procéder à un constat d'assassinats dans un douar reculé sur les premières collines du massif de Dahra. Nous grimpons dans les véhicules et quittons le petit village de Harceau, où nous sommes cantonnés. Nous roulons dans un nuage de poussière jusqu'à la limmite praticable de la piste. Deux chasseurs T6 apparaissent et vont nous accompagner. Nous continuons à pied et progressons par un petit sentier sous un soleil torride de début d'après-midi. Quelques minutes d'arrêt permettent à notre radio, lourdement chargé,de reprendre un peu son souffle. Après un bon dénivelé, nous atteignons un petit douar accroché aux contreforts du massif. Soudain nous découvrons, entre les gourbis, des corps gisant au sol. Plus d'une douzaine de fellahs du village égorgés dans la nuit précédente par des rebelles de passage qui n'avaient pas trouvé l'hospitalité à leur convenance. Je m'éloigne un peu de ce terrible spectacle en laissant les gendarmes (maitrisant l'arabe) parlementer avec des hommes du village qui demandent une protection que l'on ne peut leur offrir. Des femmes se lamentent, des enfants pleurent. Quelle désolation ! Le soleil déclinant nos abandonnons ces pauvres villageois à leur misère, seuls face à cet épouvantable drame. Nous repartons en dévalant ces colllines qui ont été si pénibles à gravir. Coordination avec l'aviation oblige, les T6 sont déjà rentrés à leur base. Pour nous, mission accomplies sans incident. RAS si j'ose m'exprimer ainsi.
C'était un dimanche " ordinaire " en Algérie, en 1956, pour une section du 3/22e RI.
Source l'Ancien d'Algérie N°54 - Octobre 2015 - Témoignage de Maurice Gauthier - 73240 Saint Genix sur Guiers